TR contre AM
Tariq
Ramadan contre Abdelwahab Meddeb
On aurait pu
s’attendre, dans cette émission de « Ce soir ou jamais » du 30 janvier
2008, intitulée « L’islam et le monde d’aujourd’hui », à un véritable
face-à-face, tel que c’était annoncé, entre Abdelwahab Meddeb et Tariq Ramadan.
On eût nettement l’impression, au fur et à mesure du déroulement de l’émission,
que ce dernier ne poursuivait qu’un seul but : la déstabilisation de son
adversaire, l’attaque systématique adossée au projet mûrement préparé de
démonter pièce par pièce les failles de son interlocuteur. A contrario, face à un Ramadan agressif, jubilant de pugnacité et
d’auto-satisfaction, Meddeb restait imperturbable.
Si l’on fait
abstraction de cette unique séquence durant laquelle l’auteur de La maladie de l’islam[1]
a attaqué en rappelant que le mal avait commencé avec le grand-père de
Tariq Ramadan, un homme « qui n’était pas un intellectuel, et qui a écrit de
misérables épîtres », l’offensive ne venait que du côté du
prédicateur suisse.
Cinq points forts
ont marqué l’émission : l’Afrique du Nord, la confusion entre le politique et
le religieux, le terrorisme, la shari’a et la « réforme », la laïcité
Vs démocratie, et le jihad.
I- C’est la faute à l’Afrique du Nord
Relevons d’abord
cette « perle » de TR, répondant à AM qui évoquait les
discriminations dont les femmes sont l’objet dans le monde de l’islam :
« L’islam
n’a pas de problème avec les femmes, les Musulmans, si. En Afrique du Nord, en
Asie, il y a des cultures discriminantes… le féminisme musulman lutte contre
ces cultures traditionnelles ».
On retrouve
bien là le mépris dont TR a toujours fait preuve à l’égard du Maghreb (je
renvoie à mon article « L’identité islamique européenne selon Tariq
Ramadan »[2]).
Les coutumes
patriarcales en Europe, ce sont les Maghrébins qui les ont importées. Non pas
les Musulmans ni les Arabes, pas même les Indo-Pakistanais (au Royaume Uni), ni
même les Noirs d’Afrique subsaharienne, mais spécifiquement les Maghrébins. Une
attaque caractéristique du dédain que les Machrékins (habitants du
Moyen-Orient) ont toujours éprouvé à l’égard de ces frères honteux de
l’Occident arabe. Ou plutôt si peu arabe, pays berbère, si peu islamisé, mal
arabisé. Les Egyptiens n’ont-ils pas envoyé des milliers d’instituteurs dans
l’Algérie postcoloniale pour apprendre à ce peuple fruste la langue
arabe ?
En vérité,
c’est surtout l’idéologie des Frères musulmans que ces soi-disant maîtres
d’école, à peine alphabétisés, propagandistes acquis aux thèses de Hassan
al-Banna plus qu’instituteurs de métier, ont distillée dans les esprits.
Ce sont ces
imposteurs, obscurs prédicateurs du Sud égyptien qui ont inspiré et préparé les
courants arabophones dans lesquels s’est recruté la majorité des islamistes
algériens.
Or n’en
déplaise à TR qui dans sa fourberie habituelle s’est complu à faire ce tour de
passe-passe, ce ne sont pas les coutumes locales, la culture maghrébine comme
il le dit dans un sens extrêmement péjoratif, qui sont cause de discriminations
à l’égard des femmes, mais l’islamisme qui s’est toujours accommodé de
celles-ci et les a instrumentalisées.
Le Maghreb a
toujours été considéré par les Machrékins comme « le manche du vêtement »,
selon l’expression du géographe Ibn Hawkal (m.990), c’est-à-dire superflu, sans
importance.
Lorsque tout
le monde emploie le mot « Maghreb », TR lui, use de la bonne vielle
expression « l’Afrique du Nord »… Une dénomination qui renvoie le
Maghreb à l’Antiquité pré-arabe et pré-islamique, et qui rappelle la période
coloniale.
L’Afrique du
Nord, c’est africain, c’est cette portion du continent, habitée par un peuple
non civilisé, mal arabisé et mal islamisé, avec ses coutumes patriarcales et
ses traditions discriminantes à l’égard des femmes. Il ne viendrait même pas à
l’esprit de TR que le Maghreb soit la seule région du monde arabe qui résiste un
tant soit peu à l’invasion islamiste, au voile systématique et à l’obscurantisme,
et que c’est entre autres pour cette raison qu’il est pris comme cible par les
terroristes d’al-Qa’ida qui ne cachent pas leur haine de ces « fils de la France, suppôts des croisés ».
Les coutumes
patriarcales, c’est le Maghreb, nous dit TR, pas l’islam. Sont-ce aussi les
Maghrébins qui ont inventé la lapidation, la flagellation, l’amputation des
mains, la polygamie, la peine de mort pour l’apostat, la moitié de la part
d’héritage et le voile islamique ?
C’est contre
ces coutumes que le « féminisme musulman » se bat, nous dit-il.
Passons sur l’usage du mot « musulman » au lieu de
« islamique », comme s’il s’agissait de la foi, du dogme ou des
observances, alors que nous parlons là d’un mouvement idéologique qui a usurpé
un concept qui n’est pas la sien. Il n’y a pas plus de féministes musulmanes
que de féministes catholiques, juives, bouddhistes ou animistes[3],
et il n’y en a pas plus qu’il n’y a d’islamistes laïques.
II-Confusion inversée
Selon TR, AM
confondrait… le religieux et le politique ! Extraordinaire opération d’inversion.
Ainsi, AM, qui n’a cessé de dénoncer, depuis La maladie de l’islam, la consubstantialité du religieux et du politique,
non seulement dans l’islamisme contemporain, mais également dans tout
l‘histoire de l’islam, confond ces deux registres, alors que lui, TR, héritier
du fondateur des Frères musulmans, le parti qui a fait du Coran sa constitution,
n’est pas dans la confusion.
Est-il
nécessaire de rappeler que TR n’a jamais caché son admiration pour
Hassan-Al-Banna, son grand-père, celui qu’il tient pour « le plus influent des réformistes musulmans de ce siècle »[4], déclarant sans
ambiguïté : «J'ai étudié en
profondeur la pensée de Hassan al-Banna et je ne renie rien de ma filiation[5]. »
Or, comme
chacun sait, toute la doctrine du fondateur des Frères musulmans repose sur la
confusion entre le politique et le religieux, comme le montre cette déclaration
de Hassan Al-Banna, véritable profession de foi de l’islam politique : « L'islam est à la fois religion et pouvoir, adoration et
commandement. Coran et épée unis de manière indéfectible. (...) Dire que la
religion est une chose et la politique en est une autre, est une prétention que
nous combattons par tous les moyens. (...) L'islam auquel croient les Frères
musulmans fait du pouvoir politique l'un de ses piliers... Dans nos livres de
droit musulman, le pouvoir politique est un article de foi et un tronc et non
une élaboration juridique et une branche. (...) Pensez-vous que le musulman qui
accepte la situation présente, qui se consacre à l'adoration, et laisse le
monde et la politique aux impuissants, aux criminels, aux étrangers et aux
impérialistes peut être considéré comme musulman ? Non, il ne le peut pas. Il
n'est pas musulman. Car l'islam authentique est à la fois djihad et action,
religion et État[6]. »
Nous pouvons donc considérer, dans la mesure
où il reconnaît tout assumer de la pensée de son grand-père, que TR fait sien
ce discours. Vouloir passer pour un champion de la distinction entre le
politique et le religieux n’a donc aucun sens. D’ailleurs, TR ne conçoit pas
l’islam simplement comme une foi individuelle, en l’absence d’une Eglise, d’une
médiation, d’un dispositif structuré doté de prédicateurs, de gestionnaires,
d’imams et de directeurs de conscience. Il ne s’en est guère caché : « Le but (en France
et en Europe) : c’est l’institutionnalisation de l’islam ».
Autre illustration, cette fois du
prédicateur Al-Qaradawi, star de la chaîne Al-Jazeera, référence canonique
des Frères musulmans et président du Conseil européen des fatwas. TR s’est
souvent produit avec lui dans les rencontres organisées par les mouvements qui
appartiennent à cette mouvance. Voilà ce qu’il en dit : « Al-Qaradawi
est originellement de l'école de Hassan al-Banna et son aura dépasse toute
affiliation à un groupe ou à une organisation ».
On aura noté le
soin méticuleux du prédicateur suisse à gommer, comme le font tous les Frères
musulmans –à l’exception des représentants officiels du mouvement en Egypte-, l’appartenance
à l’organisation : un acte de dissimulation qui relève de cette culture du
secret caractéristique de la stratégie du double langage. Mais passons. Le
prédicateur égyptien, producteur intarissable de fatwas à tour de bras,
appartient bien au courant de Hassan Al-Banna, et cette proximité vaut
également TR et lui.
Voilà ce que
déclare Al-Qaradawi : « L'islam
rejette totalement cette fragmentation entre ce qu'on appelle religion et ce
qu'on appelle l'État : du point de vue de l'islam, tout relève de la religion,
tout relève de la Loi[7]. »
Nulle séparation entre la religion et la politique, rejet total de
la laïcité, et traduction quasi-naturelle de l’islam en termes juridique et politique,
tels sont les mots d’ordre des Frères musulmans, de Hassan Al-Banna à
Al-Qardhawi. TR n’ayant jamais pris ses distances avec de telles déclarations,
il y a tout lieu de croire qu’il partage la même vision.
Autre
affirmation d’Al-Qardhawi : « Nous
ne saurions être croyants si l'islam ne devient pas notre mode de vie, si le
Coran ne devient pas la
Constitution de notre société, si la Loi de l'islam ne régit pas
toutes nos affaires[8] ».
Soit-dit en
passant, quel serait donc le sort des Musulmans de France ? Dans la mesure
où la constitution de leur pays ne s’inspire pas du Coran et que l’islam ne
régit pas l’ensemble des aspects de leur vie, perdent-ils leur statut de
croyants ? Assurément, si l’on en croit le prédicateur favori de l’UOIF,
dont les prêches et les fatwas sont largement diffusées par cette organisation.
C’est dire que
la responsabilité de TR, comme des leaders de ce mouvement, est grande, dans le
trouble provoqué dans l’esprit des jeunes musulmans, pire, dans la fracture que
ceux-ci peuvent ressentir entre l’idéal islamique tel qu’on le leur apprend, et
la société laïque dans laquelle ils vivent. Comment peuvent-ils ensuite
prétendre qu’ils respectent les valeurs républicaines ? Au mieux, ils
parlent de respect, mais en tous cas, jamais d’adhésion, aucune compatibilité
n’étant possible entre les deux systèmes de valeurs. C’est là qu’on peut
mesurer l’étendue du double discours, caractéristique des Frères musulmans.
III- Le
terrorisme n’est pas condamnable du point de vue politique !
Mais revenons à TR, qui dit, à propos des
attentats du 11
septembre, cette phrase qu’il répètera avec les mêmes termes un peu plus tard
dans l’émission, à propos cette fois des attentats de Casablanca : « Du point de vue
religieux, c’est condamnable, mais du point de vue politique, c’est
différent… Il faut des processus de démocratisation et lutter contre la
répression qui produit l’extrémisme ».
AM,
probablement stressé par les interruptions intempestives de TR, n’a pas relevé
cette déclaration inouïe, dans laquelle le prédicateur suisse avoue
publiquement… ne condamner le terrorisme que d’un seul point de vue.
Qu’est-ce que
ça veut dire ? Si le terrorisme n’est pas condamnable du point de vue
politique, c’est qu’il se justifie. Nous connaissons la rengaine que nous
servent de manière indifférenciée tous ceux qui déresponsabilisent les
terroristes, leurs complices et partisans, comme les non moins complices, les
gauchisants et autres altermondialistes qui applaudissent à tout discours
occidentalophobe, même lorsqu’il s’accompagne de violence meurtrière :
l’impérialisme, les Etats musulmans dictatoriaux, corrompus et oppresseurs, la
répression contre les islamistes, etc. Peu importent les raisons, une telle légitimation du terrorisme se passe
de commentaire.
La
complaisance de TR à l’égard du terrorisme se distingue à peine de celle du
co-fondateur du FIS, Ali Belhadj, qui déclarait il y a quelques jours dans une
interview : « La solution n'est pas de critiquer ou de condamner. Il
faut régler le problème à la racine, c'est-à-dire trouver une solution
politique[9] ».
Autrement dit, négocier avec les terroristes, libérer ceux qui sont
emprisonnés, les dédouaner de toute responsabilité dans les massacres qu’ils
ont perpétrés, et pourquoi pas, leur céder le pouvoir.
IV- L’illusion du moratoire…
Passons sur
les protestations ringardes que TR nous sert systématiquement, sur « la shari’a, ce
n’est pas ce que vous croyez, ce n’est pas la jurisprudence mais l’esprit de la Loi , etc. ».
TR adore jouer sur les mots à seule fin de détourner l’attention des problèmes
de fond. Quel que soit le terme utilisé –et les Musulmans peuvent témoigner que
les islamistes eux-mêmes usent bien de ce vocable « shari’a » pour
parler de la Loi islamique, avec son dispositif de peines et de châtiments-, chacun comprend de
quoi il s’agit.
Sur le fond,
les précisions tatillonnes de TR ne présentent aucun intérêt, mais elles font
partie de ces moments si fréquents de diversion où le prédicateur se livre à
son exercice favori de détournement du sens du débat.
Interrogé par Frédéric Taddéi sur sa proposition de
« moratoire » sur la peine de mort avec lapidation, TR s’est justifié
en ces termes : « si on condamne, c’est inaudible pour les Musulmans. Ma
position est qu’un débat doit s’ouvrir sur la lapidation et les châtiments
corporels. Moi, je suis audible. Il faut regarder les textes et voir ce qu’ils
disent ».
Traduisons :
1) inutile de
condamner, ça ne sert à rien, vous, « musulmans laïques », n’avez aucune influence sur les clergés
et les islamistes. Moi, si.
2) Il faut
regarder les textes : nous savons bien ce que les textes disent. Ils
disent en gros qu’il est pratiquement impossible d’apporter la preuve de
l’adultère, eu égard aux conditions draconiennes qu’ils exigent : le
témoignage de quatre personnes ayant assisté à l’acte, et la preuve établie par
le recours à un fil séparant les deux corps. Cela a-t-il empêché qu’on lapide
des femmes en Arabie saoudite, en Iran, au Nigéria et au Soudan ? Non.
3) il n’est
pas question de demander l’abrogation de cette peine, ni même sa suspension,
mais ouvrir un débat avec ces mêmes clergés et autres islamistes. Que ce
moratoire dure un an, dix ans, ou un siècle, importe peu. On attendra donc de
ces vrais détenteurs du pouvoir, qui ont droit de vie ou de mort –ou plutôt
plus de mort que de vie- sur les malheureuses qui ont forniqué, débattent,
réfléchissent et décident.
Les clergés
des pays qui appliquent ces lois barbares, et les islamistes enragés qui ne
seraient rien sans leur sacro-sainte shari’a, sont-ils capables de suspendre la
peine de mort avec lapidation ? Si comme je le pense, TR n’est pas aussi
naïf pour le croire, alors, il est malhonnête, et surtout incapable de proposer
la moindre réformette pour faire évoluer le droit musulman. Pris au dépourvu
devant des millions de téléspectateurs, et soucieux de ne pas déplaire au
public non musulman qui l’aurait définitivement disqualifié s’il avait dit
qu’il s’accommodait de cette loi, et encore plus de ne pas décevoir son public
musulman s’il avait condamné cette peine et proposé son abrogation, il a trouvé
cette échappatoire ridicule.
En vérité,
qualifier TR de « réformateur » est encore plus ridicule. Il a beau
user des mots « adaptation », « réforme »,
« évolution », « modernité », il n’a jamais proposé quoi
que ce soit qui ressemble à une petite avancée en faveur des libertés
individuelles, de l’égalité entre hommes et femmes et de l’égalité entre
musulmans et non musulmans.
Si TR est un
réformateur, alors il l’est dans la fidélité aux « réformes » totalitaires
que son grand-père préparait aux Egyptiens et à tous les Musulmans. Il suffit
de se reporter au programme en 50 points de Hassan Al-Banna : un ensemble
d’obligations et d’interdits, un viol des foules, à donner froid dans le dos.
TR n’est rien
d’autre qu’un rhéteur creux, un pédant emphatique et redondant, un polémiste
intellectuellement malhonnête et dénué de toute profondeur et de créativité.
V- La démocratie contre la laïcité
En reprochant
au franco-tunisien AM de n’avoir jamais condamné le régime de Benali, et
au-delà, de privilégier la laïcité –donc soutenir les dictatures arabes-, au
détriment de la démocratie, TR adresse sa critique à tous les musulmans
laïques. Un moment fort, lorsque AM, contre toute attente, trancha : à
choisir, il opte pour la laïcité, une réplique dont TR, revenu de sa surprise,
profita –malhonnêtement, une fois de plus-, pour faire passer son adversaire
pour un anti-démocrate. La fourberie de TR était visible comme le nez dans la
figure, il avait préparé son coup : décrédibiliser AM aux yeux des
Musulmans.
Si ce n’est
qu’emporté par sa ruse jubilatoire, TR était restait sourd à cette vérité que
AM assénait avec une insistance heureuse : pour être moderne, il faut
savoir être infidèle, trahir, entrer dans l’ère du soupçon. Une posture que TR
n’est pas prêt, et ne le sera probablement jamais, à adopter.
Démocrate,
TR ? Reformulons la question : que dirait-il si les islamistes, une
fois élus, décidaient de ne pas appliquer les règles qui leur ont permis
d’accéder au pouvoir ? Car les islamistes n’ont pour l’instant exercé le
pouvoir démocratiquement nulle part, mis à part l’exemple –singulier- de la Turquie , et rien ne nous
autorise à supposer qu’ils soient disposés à respecter les règles du jeu
démocratique.
Bien entendu,
partout où ils ont échoué à conquérir le pouvoir par la force, les islamistes
revendiquent la démocratie. Pour eux. Même Ali Belhadj, celui-là même qui il
n’y a pas si longtemps, disait que la démocratie était kudr (mécréance,
apostasie), revendique aujourd’hui le « dialogue » avec le pouvoir[10].
Même le cheikh
Frère musulman A-Qaradawi est un
« démocrate » ! C’est TR lui-même qui l’écrit : « Son
discours sur la femme, sur la démocratie dont il défend les principes en les
inscrivant dans la philosophie politique musulmane, apporte un souffle nouveau »[11]. Quelle est donc cette
démocratie qui s’applique dans un système où la charia régit toute la vie des
Musulmans et où le Coran est la constitution ? Quel rapport entre la
souveraineté du peuple, et celle de la loi religieuse ? Une telle
manipulation des concepts, et un tel dévoiement des sens des mots, revient ni
plus ni moins à mystifier.
VI- Le jihad, rien que le jihad…
Répondant à
l’appel de AM à tout Etat qui inscrit dans sa constitution la mention
« l’islam, religion d’Etat », de déclarer le jihad nul et non avenu,
et après avoir rappelé que le vrai jihad était l’effort de perfectionnement
spirituel et souligné le distinguo entre le grand jihad et le petit jihad,
comme s’il s’agissait d’un scoop –quelle ringardise surtout-, comme si la lutte
armée n’avait qu’une existence insignifiante, TR précisa qu’il distinguait
également entre deux sortes de jihad : le jihad offensif, auquel il
s’oppose, et le jihad défensif, celui qui se pratique contre l’oppression, et
qu’il soutient.
Bien qu’il ne
l’ait pas précisé, il est facile d’imaginer à qui TR pensait : les
Palestiniens, les Irakiens, les Tchétchènes, les Afghans, etc. Autrement dit,
qu’il s’agisse du jihad mené contre les armées d’occupation comme en Irak ou en
Afghanistan ou celui mené contre les forces de l’ordre et les populations
civiles dans les pays musulmans, c’est un combat légitime.
C’est là ou AM
aurait dû lui retourner la question qui lui avait été adressée sur les
bombardements américains en Afghanistan et à laquelle il avait répondu « c’est un dégât
collatéral » : comment considérer les pertes des civils en
Algérie et au Maroc ?
Dans une vidéo
éditée par Tawhid et diffusée sur internet[12],
dédiée aux Palestiniens, face à un public ému et larmoyant, TR se livre à une
longue prière psalmodiée où il prie Dieu d’aider les Palestiniens, les
Tchétchènes et les Afghans dans leur lutte contre « l’ennemi », ainsi
que tous les frères en prison. De quels frères emprisonnés parle t-il, sinon
des islamistes arrêtés pour des faits d’armes terroristes ?
A ce niveau de
la réflexion, reste posée cette question : pour TR, les Musulmans laïques
sont-ils de vrais musulmans ? Le sont-ils moins que les terroristes ?
Ou ne le sont-ils guère ?
Leïla Babès le 12/02/2008
Commentaire
Je reproduis ici un commentaire, reçu le 1° avril, ainsi que ma réponse. Cette même réponse, je l'ai d'abord envoyée à l'adresse laissée par cet internaute, mais elle m'a été retournée :
"C'est donc cela le débat pour vous leila? Quelle mauvaise foi, quelle malhonnêteté, quel rancoeur. Lorsque vous étiez chez taddei en face de Ramadan tout ces invectives vous les avez passés sous silence et ici vous aboyez."
Réponse
Bonjour,
Sans
doute me connaissez-vous personnellement pour vous permettre de m'appeler par
mon prénom ? Mais dans ce cas, il eut été plus courageux de signer.
Vous
me semblez confondre entre les deux émissions. Croyez-vous donc que j'avais
peur face à Ramadan ? Ou que je n'ai pas été à la hauteur de la tâche ? Vous
faites erreur ! Sortez de votre fan-club ramadanesque, informez vous, et vous
verrez !
Le
fait est que l'écriture, -si tant est que vous puissiez comprendre cela-, donne
toute latitude, alors qu'une émission de télévision est pleine de contraintes.
Mais
ne vous méprenez pas : à la place de A.Meddeb, j'aurais dit un minimum de ce
que j'ai écrit, vous pouvez me croire.
Je
ne suis pas malhonnête, puisque j'ai le courage de mes opinions, je n'ai aucune
rancoeur, je me bats sur le terrain des idées. TR est dangereux, je j'écris et
je le répèterai.
Et
je n'aboie pas comme vous dites. Réfléchissez, et vous verrez de quel côté se
trouvent les aboiements, les rancoeurs, les frustrations et les jalousies.
Je
vous salue,
Leïla
Babès
[1] Seuil, 2005
[2] www.leilababes.canalblog.com
[3] Se reporter à L.Babès, Le voile
démystifié, Bayard, 2004
[4] T.Ramadan, Être
musulman européen. Etude des
sources islamiques à la lumière du contexte européen, Tawhid, 1999, p.418
[5] L'islam en questions, avec Alain Gresh, Sindbad, 2000, p. 28
[6] Rifaat el-Saïd, Contre l'intégrisme islamiste, Maisonneuve et Larose, 1994, p. 42
[7] Dr Youssouf al-Qaradâwî, Pourquoi l'islam ? éd. Arrissala,
Paris, 2002, p. 38
[8] Ibid, p. 21
[9] Le Monde du 08/02/2008
[10] Le Monde du 08/02/2008
[11] L'islam en questions, op.cit, p. 100-101
[12] http://fr.youtube.com/watch?v=onuEStqTk20