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Le blog de Leïla Babès
28 mars 2009

L'humour comme arme

Femmes : l’humour comme arme



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Quelque que soit leur appartenance confessionnelle, les intégristes ont en commun la haine des femmes et de l’amour.

Une fois n’est pas coutume, j’ai décidé de placer cette journée de la femme sous le signe de l’humour. C’est d’ailleurs l’arme que des milliers de femmes indiennes ont adoptée pour répondre aux attaques des extrémistes indous, et tout particulièrement, ceux du Sri Ram Sena, l’armée du seigneur Ram (du nom du dieu indou, Ram), groupe qui sévit à Bangalore, dans le sud-est du pays, et dont les adeptes ont été baptisés depuis, les Taliban indous.

L’histoire commence à la fin du mois de janvier, lorsqu’un commando de quarante de ces militants ont pris d’assaut un bar fréquenté par des couples d’amoureux et ont agressé les jeunes femmes présentes. Arrêté par la police, le leader du mouvement, Pramod Mutalik, menaça d’envoyer ses milices patrouiller dans tous les lieux publics le 14 février, jour de La St-Valentin, la fête célébrée désormais partout par les amoureux, pour marier de force toute jeune femme trouvée en galante compagnie.

Il n’en fallut pas davantage pour provoquer la colère des femmes, mais aussi des jeunes, non seulement à Bangalore, mais aussi dans toutes les grandes villes.

Mais au lieu de manifestations, de meetings, ou de tout autre mouvement conventionnel, les femmes ont choisi de répondre par une autre forme de subversion : l’humour et la provocation. A l’initiative d’une jeune journaliste de New Delhi, Nisha Susan, elles ont décidé de créer sur Facebook, « le consortium des femmes libérées, allumeuses et allant dans les bars », et dont la première action fut de lancer un appel pour envoyer des culottes roses au  siège du Sri Ram Sena.

Depuis, le réseau qui compte 20 000 membres, femmes ou hommes, reçoit des quatre coins du monde, des dessous féminins de couleur rose, par opposition au safran, la couleur des extrémistes.

Autre initiative organisée par ces femmes : la fréquentation massive des pubs le 14 février pour défier les intégristes indous, appel qui a été également suivi par de nombreux sympathisants hommes.

Il semblerait que la riposte des femmes ait porté ses fruits, puisque le Sri Ram Sena a décidé de répondre par une action plus pacifique, en échangeant les culottes par des saris roses, ce qui est de bonne guerre, lorsqu’on sait que cette couleur est celle du Gulabi gang, ce mouvement de paysannes féministes en saris roses, que j’ai évoqué ici même il y a quelques mois.
Pour autant que la menace soit nuancée, l’extrémisme indou représente un grand danger, pour les libertés individuelles, mais aussi pour les musulmans qui constituent une cible de choix. Un autre mouvement nationaliste, le Shiv Sena, proche du parti anti-musulman
Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien), et qui avait en 2006 menacé de tondre les cheveux des femmes le jour de la St-Valentin , est le responsable principal des attentats commis contre les musulmans, et notamment de l’attaque en 1992 de la mosquée de Babri Masjid, du nom de Babur, le premier empereur moghol qui l'a édifiée au XVIe siècle sur un site qui aurait été selon une croyance indoue, le lieu de naissance du dieu Ram. Les trois dômes de la mosquée ont été détruits, et l’affaire avait provoqué une vague de violences opposant musulmans et indous. 

Concernant la St-Valentin, même son de cloche chez les islamistes pakistanais de la Jamma Islami, le grand parti devenu depuis un mouvement transnational, qui réclame son interdiction, qualifiée de « jour de honte où les occidentaux assouvissent leur soif de sexe », mais aussi en Malaisie, en Arabie Saoudite et en Iran où la fête des amoureux provoque l’ire des clergés.

Pour les extrémistes indous aussi bien que musulmans, ce n’est pas seulement le sentiment amoureux qui est interdit, mais toutes les manifestations hédonistes comme la fête, la joie, et le plaisir de la convivialité. A les entendre, ce sont des valeurs occidentales qui corrompent la pureté de la culture ou de la religion, comme si ni l’Inde hindouiste ou l’islam n’avaient célébré, chacun à sa manière, l’art, l’amour et le plaisir.

En attendant, les femmes indiennes ont trouvé une arme de choix : la provocation par l’humour.

Leïla Babès le 11/03/2009


 

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