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Le blog de Leïla Babès
4 novembre 2008

Malakaï Kakar

Malakaï Kakar assassinée par les Taliban


En assassinant Malalaï Kakar, les Taliban ont frappé la figure emblématique de l’émancipation des femmes. La policière la plus célèbre d'Afghanistan a été abattue dimanche dernier devant son domicile, à Kandahar, dans le sud du pays. Malakaï Kakar, âgée de 40 ans et mère de six enfants est morte sur le coup, et son fils, grièvement blessé, est dans le coma. Le porte-parole des Taliban qui a revendiqué le crime, s’est félicité du succès de l’opération.

Effectivement, se mettre à plusieurs pour tuer une femme désarmée devant ses propres enfants, quelle bravoure ! Il en a fallu, du courage, pour ôter la vie à une femme qui a un nom, une identité et un métier, débarrassée de la burqa, cette toile bâchée qui cache l’humanité des femmes et leur force. Décidément, une femme avec un visage découvert et des yeux qui vous regardent, cela doit être singulièrement terrifiant pour ces enfants attardés qui se font encore appeler « étudiants en religion », ces cancres incapables de passer leurs diplômes.

Plus sérieusement, il reste à savoir dans quels tréfonds de leurs cerveaux se loge cette haine –et cette peur-irrépressible des femmes, et les causes profondes qui la génèrent. Un mélange d’obscurantisme, de coutumes tribales travesties en religion et d’idéologie liberticide constitue un faisceau de facteurs suffisamment dangereux pour expliquer une telle pathologie humaine.

Il est vrai que Malakaï Kakar n’est pas n’importe quelle femme policière. Celle qui porte le prénom d’une célèbre héroïne de la résistance afghane contre les Britanniques au XIX° siècle, était fille et sœur de policiers, elle avait le grade de capitaine et dirigeait le département des crimes contre les femmes de la police de Kandahar, le fief des talibans. Après la chute du régime en 2001, elle avait repris ses fonctions et était la première à s’engager dans les forces de l’ordre. On comprend ce que représente l’exécution de cette femme courageuse, devenue le symbole de la résistance féminine, de surcroît, engagée dans la répression des crimes contre les femmes. Et en cette matière, les Taliban sont passés maîtres dans l’art de martyriser les femmes.

Au mois de juin dernier, ils avaient déjà assassiné une autre femme policière dans la province de Herat, dans l'ouest du pays. Depuis leur chute en 2001, les Taliban qui ont rejoint les rangs des terroristes, ont redoublé de violence depuis deux ans, et ont abattu près d’un millier de policiers au cours de ces six derniers mois.

Malakaï Kakar a été exécutée de sang froid parce qu’elle était une femme insoumise qui osait montrer son visage au grand jour, et parce qu’elle exerçait un métier d’homme. Mais les Taliban tuaient les femmes pour moins que ça. Il suffit de se rappeler l’histoire de Zarmina pour s’en convaincre, cette mère de sept enfants que les Taliban ont exécutée dans le stade de Kaboul en 1999 parce qu’elle avait fini par tuer le mari qui la battait quotidiennement. C’est grâce à une autre femme qui a filmé en cachette l’exécution que le monde a pu voir les images stupéfiantes d’un Taliban pointant son révolver sur la tête d’une femme en burqa agenouillée dans le stade.

Lorsque les Taliban n’abattaient pas les femmes lors d’exécutions publiques, ils les faisaient mourir à petit feu, leur interdisant l’accès aux soins, au travail, à la scolarisation, aux activités associatives, à la rue sans la compagnie d’un proche parent, et enfin ils les assignaient à porter cette camisole de force infâme qu’on appelle la burqa. Résultat de ces crimes contre l’humanité, ce sont des femmes fragiles et anémiées dont l’espérance de vie est tombée à 43 ans, sans compter les innombrables suicides, une façon d’en finir avec la vie carcérale et misérable qu’on leur imposait. Pour celles qui résistaient, beaucoup d’entre elles étaient obligées de se prostituer pour faire vivre leurs familles.

Jamais en terre d’islam un régime ne fut aussi oppressif à l’égard des femmes. Même dans le pays d’inspiration des Taliban, l’Arabie saoudite, où les femmes vivent dans des conditions carcérales similaires, elles ont le droit de se nourrir et de se soigner.

Pour autant, si la chute de ce régime tortionnaire a été ressentie comme un soulagement, rien n’a changé fondamentalement. Des milliers de femmes continuent de porter la burqa parce qu’elles craignent pour leur sécurité, ou parce que la privation de liberté les a marquées à jamais. Il faudrait ajouter à la liste des méfaits des Taliban, le crime contre l’humanité pour les violences commises à l’endroit des femmes.

Leïla Babès le  01/10/2008

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