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Le blog de Leïla Babès
23 avril 2009

Collectif Cheikh Yassine

L’Eglise islamique de France, la politique, Israël

 

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On croyait la France épargnée par ce type de manifestation publique. En tous cas, jusqu’ici, malgré leurs divergences idéologiques, les musulmans qui oeuvrent dans les mosquées, les associations culturelles et autres organisations islamiques, réglaient leurs différends par communiqués, déclarations à la presse, ou se contentaient de critiquer leurs concurrents dans leurs propres cercles. Concurrence, compétition, course pour la représentation et le leadership : c’est exactement de cela qu’il s’agit.

La loi de libération des associations de 1981 d’abord, la mascarade qui a conduit ensuite à la mise en place du CFCM en 2003, en ont été les deux détonateurs. Je rappelle simplement, à propos de la création de cette instance, la confusion qui a régné et qui règne encore au sujet de ses prérogatives, entretenue aussi bien par les pouvoirs publics que par les acteurs eux-mêmes, entre sa vocation d’organe chargé de la gestion du culte, et la volonté d’en faire une institution de représentation des musulmans, une Eglise en somme, à l’image de l’Eglise catholique, ce qui est un non-sens, au regard de la tradition musulmane. On comprend dès lors ce que cela a pu engendrer comme ambitions et plans de carrière

Au centre de ces enjeux de pouvoir : les principaux protagonistes : quelques grandes mosquées (par leur superficie) et associations regroupées par affiliation ethnique, régionale ou nationale : comorienne, turque, africaine ; un mouvement transnational d’origine pakistanaise, obscurantiste et sectaire : le Tabligh ; une coquille vide, présidée par un personnage controversé et au verbe haut : la FNMF ; et enfin, les deux acteurs les plus en vue : l’UOIF, un mouvement de Frères musulmans qui en met plein la vue en matière d’organisation des troupes, et la Grande mosquée de Paris, une vieille institution au statut controversé, française mais contrôlée par l’Algérie, et d’inspiration libérale, ces deux critères suffisant à en faire la bête noire de toutes les autres organisations, par l’entremise de son ex-président, le Dr Dalil Boubaker, dont le propre père, Si Hamza Boubaker, avait rempli la même charge, en d’autres temps.

Vendredi dernier, à l’heure de la prière, une trentaine de personnes se réclamant du Collectif cheikh Yassine (du nom du guide du Hamas, tué en 2004 par l'armée israélienne à Gaza) a pris d’assaut l’entrée la grande mosquée de Paris, empêchant les fidèles d’accéder à l’établissement, fermé par les forces de sécurité. Le but de l’opération : dénoncer Dalil Boubaker, jugé trop complaisant avec les Juifs de France avec lesquels il dialogue, et ses propos, jugés inacceptables, sur Israël. Le meneur de ce mouvement : un militant marocain, Abdelhakim séfrioui, dont les activités passées, sur fond de conflits avec les municipalités et les élus locaux et de confusion autour du statut légal des associations culturelles ou cultuelles qu’il présidait, le désignent comme imam, éditeur d’ouvrages islamiques, mais aussi ex-trésorier du Conseil des Imams de France (CIF), une organisation dont le président a fait l’objet de poursuites judiciaires pour malversations financières.

Tout semble indiquer que le caractère radical de son action coïncide avec la création de ce Collectif Cheikh Yassine dont le projet est de monter des dossiers de plaintes auprès des instances internationales de justice contre Israël pour crime de guerre contre la population de Gaza.

Mais revenons au coup de force de vendredi. Ce qui s’est passé ensuite rappelle les tristes méthodes du FIS lorsque les émules de Al Belhadj prenaient d’assaut les mosquées pour les transformer en lieux de contestation politique. Sauf que les portes de la mosquée ayant été fermées quarante minutes avant le début du prêche, c’est dans la rue que le leader du Collectif a fait son contre-prêche, fustigeant Dalil Boubaker, l’accusant d’être du côté des criminels de guerre. Après quoi, il a conduit la prière, dans la rue, sous la surveillance des forces de police, pour la foule constituée de ses militants mais aussi des fidèles bloqués à l’extérieur, pour certains médusés, et d’autres séduits.

Et voici ce que déclarait le responsable de cette manifestation « musclée », le 1° avril 2003, une semaine avant les élections du CFCM à Nicholas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, lors d’une rencontre avec le conseil des imams de France : « Les imams sont les oubliés de la consultation… Ils se réunissent aujourd’hui pour évoquer un certain nombre de questions liées à leur statut. Nous espérons que le ministre saura les entendre ».

D’une certaine façon, lorsqu’il disait que la reconnaissance publique des organisations islamiques par le moyen de la création du CFCM permettrait de canaliser les dérives intégristes, Sarkozy n’avait peut-être pas tout à fait tort. Ce qu’il n’a pas prévu, c’est que les frustrations des laissés pour compte de toute cette opération pouvaient conduire au résultat inverse. Comme quoi, au lieu d’être une affaire de conviction, la radicalité et l’outrance ne sont parfois qua la manifestation d’un dépit.

Quant au conflit israélien, il continuera d’alimenter, tant que durera le calvaire du peuple de Gaza, la surenchère à laquelle se livrent ceux qui ont pris la religion comme otage pour parvenir à leurs fins. La cause palestinienne est devenue l’alibi, l’instrument par excellence de tous les démagogues en manque de légitimité, une technique de culpabilisation à l’efficacité avérée, une autre façon de jeter l’anathème, à tel point qu’il n’est plus nécessaire de dire qu’un tel est un mauvais musulman, ou pire, un apostat, il suffit de l’accuser d’intelligence avec l’ennemi israélien, et le tour est joué.

Et que disent les responsables du CFCM sur cet incident ? Absolument rien. Il faut croire qu’ils sont dépassés par leurs propres ambitions de représentation.

 

Leïla Babès le 22/04/2009

 

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