Israël/Palestine : Quelles communautés ?
Israël/Palestine :
quelles communautés ?
Comme toutes les fois que la guerre
israélo-palestinienne fait des victimes parmi les palestiniens, les autorités,
redoutant une possible transposition du conflit sur le sol français, en
d’autres termes des tensions entre juifs et arabes, multiplient les
déclarations et les appels à l’apaisement en direction des leaders des
communautés juives et musulmanes. Compte tenu de la recrudescence des actes
antisémites et parfois, antimusulmans durant ces périodes, on n’y verrait là
qu’une réaction logique, s’il n’y avait deux objections.
Première objection : si la judéité
se comprend et se vit autant comme une appartenance ethnique que comme une
profession de foi, et à supposer même que le fait qui s’explique pour des
raisons à la fois théologiques et historiques doive être tenu pour une doxa, ce
qui ne va pas sans problèmes ne serait-ce que parce qu’il existe des juifs athées
qui récusent l’équation entre les deux appartenances, -l’appartenance ethnique
au peuple hébreu et l’appartenance à la religion israélite-, il n’en est pas de
même de l’arabité qui n’a rien à voir avec la confession musulmane, sans
compter que les Palestiniens ne sont pas tous musulmans.
Il est vrai que les exactions commises par Israël ont
rarement été aussi spectaculaires que depuis le début de l’offensive, et que
face à la souffrance du peuple palestinien, la solidarité de tous les autres
peuples qui s’est exprimée est sans précédent. Et c’est précisément parce que
ce qui touche au plus profond de l’humain dépasse les frontières ethniques et
religieuses qu’aucune communauté, a fortiori lorsqu’elle se réclame d’un
référent religieux alors que le problème est politique, ne peut se prévaloir du
monopole de la représentation.
Dans le fond, pourquoi les pouvoirs publics français
recourent-ils aux représentants de ce qu’il est convenu d’appeler les
communautés juives et musulmanes ? S’agissant des Juifs, force est de
constater que malgré leur accession à la citoyenneté voilà plus de trois
siècles, la création des institutions, du consistoire d’abord, organe du culte,
du CRIF ensuite (le Conseil représentatif des institutions juives de France),
qui œuvre l’un pour la représentation communautaire et l’autre pour la défense
d’Israël, les a piégés dans le communautarisme le plus conservateur. C’est du
moins ainsi que l’entendent les représentants de ces institutions,
interlocuteurs des pouvoirs publics.
La création récente du CFCM, sur fond de crise, de
divisions, non pas sur le dogme ou les rites religieux, mais sur les
orientations idéologiques, s’est faite à la faveur d’une gigantesque
mystification : l’amalgame, savamment entretenu entre représentation du
culte, qui est la vocation officielle de ce Conseil, et représentation de
l’islam et des Musulmans, ce qui non seulement dépasse de loin les objectifs
assignés, mais de plus, est, à l’exception de la théorie de la velayet al-faqih
de Khomeini, en totale contradiction avec l’esprit de l’islam qui n’a jamais
reconnu au clergé la fonction de représentation, et encore moins de sacrement,
à l’image de l’Eglise catholique.
De là à se voir confié le rôle d’agent de
pacification dans les milieux de l’immigration maghrébine, voilà une dérive de
plus. Mais dans le fond, les pouvoirs publics ne font que céder à un amalgame
auquel les Arabes et les Musulmans eux-mêmes les ont habitués, à confondre
religion et politique, à user d’un langage religieux pour traiter un conflit
d’ordre politique, à tout rabattre sur l’islam comme si la religion était la
clé de tous les problèmes, et en définitive, à force d’amalgame entre juif,
sioniste et israélien, à verser dans l’antisémitisme le plus abject.
Pour autant, et c’est ma deuxième objection, la République qui ne
reconnaît ni ne connaît que les cultes dont elle garantit l’exercice, devrait
se garder d’user du vocable de communauté dont l’instrumentalisation ne peut se
faire qu’au détriment de la citoyenneté. En agitant l’épouvantail du
communautaire au motif que la guerre en Palestine pourrait créer un conflit
entre juifs et Musulmans, les pouvoirs publics en sont venus à réactiver cela
même qu’ils voulaient éviter : au lieu de citoyens et d’associations de
toutes sortes, ce sont les leaders religieux qui ont le vent en poupe. Comme
s’il n’y avait pas assez de religion dans cette affaire.
Leïla Babès le 21/01/2009