Obama
Obama, l’homme
universel
Dire que la victoire d’Obama n’est pas seulement
celle du peuple américain, mais une espérance pour tous les peuples, est un
truisme.
Et qu’importe le désarroi des esprits chagrins,
toujours prisonniers de leur anti-américanisme primaire. L’histoire en train de
se re-créer sur la scène même de l’ennemi traditionnel, les privant désormais
de leur bouc-émissaire favori, pourrait bien les acculer à regarder de plus
près les détritus s’amonceler devant leurs portes. Car si l’Amérique honnie
cessait d’être cette nation hégémonique et arrogante qui écrase de sa puissance
les faibles, c’est toute la dialectique du maître et de l’esclave qui s’en
trouverait bouleversée. Les dénégateurs et autres champions de
l’auto-déresponsabilisation trouveraient sans doute le moyen de faire endosser
à Obama le poids du passé peu glorieux de l’Amérique, et même les fautes
commises le jour même de l’élection, comme l’ont osé certains. Et puis ils
continueront à percevoir le monde selon les mêmes clivages : noir et
blanc, musulman et kâfir, hommes et femmes.
Comme ils ont déjà jugé Obama, alors même que son
investiture officielle n’est pas faite, sur son parti pris pour Israël,
son manque d’islamité –comme s’il avait eu la moindre chance d’être élu s’il
était musulman, le sondage effectué en France pendant l’élection a montré que
si 80% des Français étaient prêts à porter un noir à la présidence, ils sont
seulement 56% à se dire disposés à élire un maghrébin, non pas comme on le
pense à cause du poids de la décolonisation, mais parce qu’il serait musulman.
Mais qu’importe. Obama a été élu alors qu’il est de
père musulman, il s’appelle Barak Hussein, son beau-père était un musulman
indonésien, sa demi-sœur est donc musulmane, comme l’est sa grand-mère paternelle
et sa famille du Kenya. De plus, il est noir, le premier président noir de
toute l’histoire des Etats-Unis d’Amérique, et c’est énorme, c’en est même
stupéfiant que l’Amérique qui a porté par deux fois au pouvoir Georges W.Bush,
en soit venue à s’identifier en fin de compte à Barak Hussein Obama.
Dans le fond, cela signifie que ces deux attributs, à
savoir sa couleur de peau comme sa part d’islamité, n’ont guère joué, qu’ils
ont été balayés par la stature exceptionnelle de l’homme. L’Amérique s’est
identifiée à un homme qui a incarné le rassemblement et le dépassement de tous
les clivages.
Quelle ironie que la planète tout entière ait eu les
yeux rivés sur cet homme parce qu’il était noir, et parce qu’il incarnait le
changement qui devait clôturer l’ère obscure de Bush, sans se douter qu’il était
bien plus que le candidat démocrate et le futur premier président noir.
Obama doit sa victoire à deux atouts exceptionnels,
totalement inédits dans l’histoire des Etats-Unis d’Amérique : d’abord il
est brillant, et c’est peu de le dire, ensuite il a cette hauteur qui
transcende toutes les différences et qui a fait de lui le président de tous les
Américains, ce qu’il n’a pas tardé à rappeler, dès son élection. Tout se passe
comme si le métissage de ses origines, de sa couleur de peau, de ses multiples appartenances
lui donnaient cette grandeur oeucuménique qui caractérise l’envergure des
grands chefs d’Etat. Obama a su convaincre parce qu’au lieu d’être le candidat
d’une Amérique sur la défensive, repliée sur sa sécurité et jalouse de sa
singularité, il a été l’homme d’une Amérique réconciliée avec elle-même,
entièrement tournée vers des horizons positifs et disposée à s’ouvrir sur le
monde.
S’agissant du monde arabe et islamique, c’est la
première fois qu’un futur président américain parle de dialogue et de
compromis, de paix au lieu du clash des civilisations.
La victoire de Barak Obama est une leçon de
démocratie et de sagesse politique, non pas pour les dictateurs et autres despotes,
-sauf peut-être pour leurs intellectuels organiques, d’ailleurs davantage
organiques qu’intellectuels. Ceux-là, pendant que l’histoire se fait en direct
sous leurs yeux, continuent de psalmodier leurs complaintes anti-américaines
sans même se soucier de la félonie de leurs propres dirigeants qui s’acharnent
à museler la paroles des braves.
La victoire d’Obama est une leçon de démocratie pour
les vielles démocraties d’Europe.
C’est pourquoi s’il est légitime et compréhensible de
porter sur Obama toutes les aspirations messianiques, on ne saurait mieux lui
rendre hommage qu’en préparant le terrain pour d’autres futurs Obama.
Pourquoi la France, terre des droits de l’Homme, qui a su émanciper les
Juifs et faire d’eux des citoyens à pat entière, n’est-elle pas encore capable
de promouvoir des candidats issus de l’immigration ?
Si les socialistes ont permis aux Juifs d’accéder aux
plus hautes fonctions, leur politique différentialiste du Black blanc beur a
plus creusé les clivages que donné leur chance aux minorités. On comprend que
nombre de Franco-maghrébins, déçus par les promesses non tenues de la gauche,
se soient tournés vers la droite.
Avant Sarkozy et les nominations de Rama Yade et
Rachida Dati, qu’on se rappelle que c’était sous la présidence de Jacques
Chirac que Jean-Pierre Raffarin avait nommé pour la première fois deux
secrétaires d’Etat arabes, dans son gouvernement.
Mais les véritables verrous à faire sauter ne sont ni
dans le parachutage ministériel ni même dans la politique de discrimination
positive que réclament certains. Ce sont les partis politiques qui continuent
de bloquer l’ascension des candidats issus de l’immigration. La leçon
américaine d’Obama, c’est seulement celle du mérite et de l’égalité des
chances.
Leïla Babès le 12/11/2008