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Le blog de Leïla Babès
7 novembre 2008

Intégration

Intégration : et les Français alors ?

 

 

La publication du décret qui vient modifier les modalités d’entrée et de séjour des étrangers, en complément de la loi sur l’immigration du 20 novembre 2007, soulève des interrogations qui vont bien au-delà de la question migratoire et des lois restrictives à laquelle la politique de Sarkozy nous avait habitués.

Inscrite dans le cadre de « la préparation de l'intégration en France des étrangers souhaitant s'y installer durablement », le texte reprend et complète les mesures relatives à l’immigration choisie, rendant obligatoire l'évaluation, non seulement du « degré de connaissance de la langue française », mais aussi celui des valeurs de la République.

L'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM), chargée de procéder à ces évaluations, doit également examiner les dossiers des étrangers au titre du regroupement familial ou en qualité de conjoints de Français, selon les mêmes critères, dans les soixante jours suivant la délivrance de l'attestation de dépôt de la demande de visa. Il est prévu que dans le cas où le candidat présente « un degré insuffisant » de connaissance de la langue française ou des « valeurs de la République », une formation de 40 heures lui sera assurée.

A vue de nez, ces nouvelles mesures n’ont rien de bien surprenant, et on pourrait même se féliciter de la procédure d’accompagnement et d’aide offerte à des candidats à l’immigration qui n’auraient pas le niveau de compétence ou de connaissance requis. Sauf à considérer qu’une quarantaine d’heures d’enseignement incluant aussi bien la langue que les principes républicains ne saurait raisonnablement profiter qu’à ceux qui possèdent déjà un certain bagage intellectuel.

On pourrait également se réjouir que des étrangers désirant vivre en France ne soient plus dans l’ignorance des principes et des valeurs qui fondent la société d’accueil et que ceci les aidera à mieux s’intégrer.

Mais exiger que des étrangers candidats à l’immigration puissent maîtriser après une demi-journée de formation (comme le prévoit le décret), non seulement l’égalité hommes/femmes, et la laïcité, mais aussi le respect des droits individuels et collectifs, les libertés publiques, la sécurité et la sûreté des personnes et des biens et les règles régissant l'éducation des enfants, alors que des pans entiers de la population française, et ça ne concerne pas uniquement les personnes issus de l’immigration, présentent un déficit flagrant dans ce domaine, voilà qui paraît aussi chimérique qu’hypocrite.

Pour ne citer que les deux principes qui font l’objet de la plus grande attention, l’égalité hommes/femmes, et la laïcité, il y aurait beaucoup à dire sur les lacunes et les manquements dont des français de souche (comme on dit), de la société civile aussi bien que des milieux politiques, font preuve.

Certes, ces deux valeurs, et tout particulièrement l’égalité hommes/femmes qui est un principe fondateur des droits de l’Homme et du citoyen, représentent des règles de droit essentielles dans les sociétés démocratiques et sont depuis longtemps inscrites dans les textes.

Les discriminations en matière de salaire, de promotion et de représentation politique témoignent du fossé qui sépare la théorie de la réalité, et malgré les réformes sur la parité, les femmes représentent à peine 12% au parlement, ce qui peut paraître risible lorsqu’on songe au score accompli par les femmes rwandaises qui sont à 56% depuis les élections de septembre dernier.Dans les faits, en matière d’égalité entre les hommes et les femmes,  la France  est encore loin de constituer un modèle de référence.

S’agissant de la laïcité, dont on n’hésite pas à dire qu’elle est rejetée par les étrangers et les populations issues de l’immigration de confession musulmane, tous les débats qui ont eu lieu ces dernières années autour des signes religieux à l’école ont montré une lamentable ignorance de ses significations essentielles.

Pour la boutade, peut-être faudrait-il aussi apprendre à ces étrangers le concept de laïcité positive que le président Sarkozy affectionne tout particulièrement.

Plus sérieusement, ce projet est en totale contradiction avec l’appellation du ministère de tutelle : le ministère de l’immigration, de l’intégration et de l’identité nationale.

A moins que le deuxième terme, celui de l’intégration, n’ai été ajouté que pour servir d’alibi à une politique entièrement tournée vers la régulation de l’immigration, comme si les Français n’étaient pas concernés, ce qui donnerait un sens à cette loi et justifierait que l’intégration ne concerne que les nouveaux et futurs immigrés.

En attendant qu’une véritable pédagogie d’intégration soit mise en place en direction de tous les laissés pour compte, il conviendrait d’abord que les politiques soient eux-mêmes au clair avec ces valeurs censées fonder la République, et qu’ils cessent de les défigurer et d’en détourner le sens.

 

Leïla Babès le 05/11/2008


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Commentaires
S
J’ai lu avec un vif intérêt votre billet sur l’immigration. Et parce que cela m’a grandement intéressé que je vous livre cette modeste contribution même si elle peut en choquer certains. Mais c’est l’obligation de s'écouter les uns les autres qu’impose le débat d’idées a fortiori dans ce blog animé par un grand esprit éprit de tolérance que j’ai bon espoir que cette modeste contribution trouvera un écho favorabe ou du moins compréhensif.<br /> <br /> De la France de Marcel Pagnol à celle de Doc Gynéco ! <br /> <br /> En lisant ceci les têtes bien-pensantes et les droits-de-l’homistes diraient probablement, l’air faussement choqués telles des saintes-nitouches, de quoi je me mêle ! Certes, je dois garder une certaine distance moi l’étranger et a fortiori l’Algérien dont la relation avec l’ancienne puissance coloniale reste toujours empreinte de passion et de ressentiments. C’est un sentiment très étrange qui reste vivace plus d’un demi-siècle après. Nous, y compris la génération quadragénaire post indépendance, considérons jalousement à tort ou à raison la chose française comme la nôtre. C’est ainsi que je fais le constat amer d’une profonde transformation socioculturelle de la France que je ne reconnais plus. A la faveur de plusieurs visites en France, j’ai pu observer de visu et in situ cette mutation radicale. La France devient de plus en plus cosmopolite et multiraciale. La pression démographique aidant, la sociologie et la culture muent radicalement. Je ne reconnais plus la France de Marcel Pagnol, celle de l’accent et du terroir. Cette France que j’ai connue dans les livres et dans l’imaginaire et que j’ai tant aimée et à laquelle je reste nostalgique. La langue française qui réunit dans une communauté linguistique tous les francophones, devient dans ce melting-pot un vulgaire jargon incompréhensible et insipide. En disant cela, je paraîtrais aux yeux de certains comme ringard. Qu’à cela ne tienne ! J’assume pleinement mon adoration débordante de cette culture française en noir et blanc, celle de Marius et Fanny, celle de la femme du boulanger. Ou encore du buvard, de l’encre de Chine, de l’ardoise et du tablier gris ! J’étais frappé lors de mes diverses missions de travail à Paris de voir la mort dans l’âme, des nuées de bandes le regard agressif, le comportement belliqueux et l’habit bizarroïde occupant tel un territoire conquis les travées et les allées du Métro et du RER. C’est quoi cette France qui fait semblant de ne pas admettre, telle une autruche, cette réalité de crainte d’être taxée de raciste. C’est quoi cette France où une vieille dame assise sur une banquette du RER les jambes serrées, le sac entrelacé fortement entre ses mains, la tête baissée et le regard à même le sol de peur d’être agressée. Bon sang, cette France pourtant est la sienne et celle de ses aïeules et de ses aïeux. C’est quoi cette France des bandes et des voyous écumant les cités des banlieues. J’étais atterré en voyant ce genre de scènes d’un autre âge. De grâce, ne soyez pas choqués de ce que je viens de dire. C’est une réalité que je relate objectivement sans aucune complaisance ni esprit raciste. Pourquoi devrais-je l’être me diriez-vous dès lors que nous-mêmes, mis sous le même prisme réducteur de clichés et de caricatures, sommes qualifiés de bougnoules ! D’ailleurs, pour l’anecdote, tellement les idées préconçues sont ancrées dans l’imaginaire collectif, qu’un jour un confrère français m’avait lancé spontanément cette sentence terrible : pourquoi vous n’êtes pas comme eux (comprenez comme vos semblables immigrés) ? J’ai dû lui expliquer l’histoire et la sociologie de cette immigration essentiellement issue des campagnes dont l’handicap de l’analphabétisme ne lui a pas permis de « s’assimiler ». Pourtant, la France de l’égalité des chances creuset de l’école républicaine existe bel et bien. A Noisiel, à Marne-La-Vallée, par exemple, où j’étais un jour l’invité d’une famille algérienne d’origine kabyle, j’y ai découvert, agréablement surpris, la réussite scolaire et professionnelle d’une lignée de garçons et de filles dans des domaines aussi pointus que l’informatique et les sciences politiques ou encore la médecine nucléaire. Pourtant, la mère et le père ne connaissaient du français que quelques phrases rudimentaires au sens incomplet mal prononcées. Peut-être c’est l’arbre qui cache la foret, mais il est admis tout de même d’affirmer le fait que si l’on veut ont peut. Ce n’est pas en optant pour l’assistanat, en choisissant le repli sur soi-même et en s’enlisant dans la mauvaise fréquentation que l’on peut réussir. Je ne comprends pas du tout cette mauvaise posture que prennent les jeunes de la deuxième et celle de la troisième génération. La chance de l’école républicaine est une occasion inouïe qui doit être saisie à bras le corps. Le regard moqueur et les mots blessants de certains esprits faibles et chagrins doivent être surmontés. C’est comme cela que l’on réussisse. Ce n'est pas une sinécure certes, mais il faut toujours espérer dans la vie. Par analogie, je me pose toujours la question suivante : pourquoi beaucoup de jeunes, des matières grises, ayant vécu et fait leurs études ici en Algérie, arrivent à occuper des places de choix en France même ? Regardez la corporation des médecins par exemple qui fait les beaux jours de bon nombre d’hôpitaux français. L’analogie entre les deux situations est vraiment amusante, en ce sens que ce n’est pas les faux arguments de l’exclusion qui sont l’élément de blocage. C’est une question de volonté tout simplement. C’est ma conviction profonde en tout état de cause. Dans une société française de souche vieillissante d’une faible natalité comparée à une fécondité forte chez les nouveaux immigrés, les démographes les plus crédibles présagent déjà un bouleversement sociologique important. L’immigration naguère d’origine nord-africaine, elle est aujourd’hui de source sub-saharienne dont le phénomène déferlant se multiplie de façon exponentielle. Faudrait-il s’attendre donc d’ici trente à cinquante ans à une France métissée où le noir et le basané seront légion. C’est tout à fait possible. Sans prétention aucune pour moi d’être le gardien du temple de la tradition française et de son équilibre sociétal, et pourquoi devrais-je l’être, il est permis tout de même d’observer avec sang-froid ce phénomène saisissant voire irréversible quoique disent les adeptes de l’émigration choisie, et d’en faire le commentaire libre qui est le mien. Libre à chacun d’avoir une autre opinion plus conformiste et politiquement correcte. Il ne faut pas s’étonner ainsi de voir que les idées de la droite extrême soient endossées sans aucun complexe par la droite dite républicaine, et trouvent un écho favorable dans des pans entiers de la société française notamment dans la classe ouvrière des bassins miniers et industriels, frappée de plein fouée par une crise identitaire et désarçonnée par une mondialisation galopante à laquelle elle n’était guère préparée. Le coupable, à tort ou parfois à raison, est vite désigné. C’est l’immigré, qu’il soit arabe ou africain ! Ou plutôt sa progéniture qui s’est auto exclue de l’ascenseur social, en panne depuis longtemps, ne trouvant comme défouloir que de taguer les murs et brûler dans des norias nocturnes, les voitures déglinguées et fumeuses du voisin français de souche, obligé de ce fait et pour d’autres raisons mal dissimulées, de voter extrême. C’est de la caricature poussée à son paroxysme je n’en disconviens pas, mais c’est une certaine réalité hélas de la France d’aujourd’hui qui a trouvé sa traduction éclatante à travers les urnes. Que dire de plus si ce n’est autre temps, autres mœurs ! Fraternellement vôtre.<br /> <br /> Smaïl d'Alger
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