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Le blog de Leïla Babès
5 novembre 2008

Adel Imam

Egypte : le citoyen Adel Imam et les islamistes

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Dans une autre chronique, j’ai évoqué les incidents qui opposent dans le métro du Caire, les femmes musulmanes aux femmes coptes. Tout porte à croire que ces passes d’armes qui se produisent fréquemment ne sont pas de simple fait divers, mais expriment une hostilité qui ne cesse de croître à l’égard de la minorité chrétienne la plus importante d’Egypte.

Le fait n’est évidemment pas nouveau, j’avais déjà eu l’occasion de parler de la situation des Coptes dans une chronique précédente. Or, le climat d’animosités qui règne en ce moment dépasse les exactions habituelles que les minorités chrétiennes subissent de la part des extrémistes, et révèle à quel point l’Egyptien moyen est devenu intolérant.

La star de cinéma, Adel Imam, est en train d’en faire les frais. L’acteur vient d’être accusé d’apostasie pour conversion au christianisme et pour promouvoir cette religion. La fatwa (car c’en est une), a été lancée sur le site Facebook par deux groupes, sous la forme d’un appel à tous les musulmans à boycotter « le chrétien Adel Imam »

Une fois de plus, Adel Imam, qui n’en est pas à la première accusation, est pris pour cible, non pas parce qu’il s’est converti, mais parce que dans son dernier film qui sortira en juillet, Hassan et Marcos, il a joué le rôle d’un prêtre copte, aux côtés de Omar Sharif qui lui interprète le rôle d’un religieux musulman. On aura remarqué que l’acteur n’a rien perdu de son humour en laissant la star internationale, Omar Sharif, de naissance chrétienne avant qu’il ne se convertisse à l’islam pour épouser l’actrice Faten Hamama, jouer le rôle d’un musulman. Mais on connaît aussi l’engagement de Adel Imam et ses prises de position courageuses. Le film qui campe deux personnages, l’un copte et l’autre musulman, liés par une profonde amitié, milite pour l’unité de tous les citoyens égyptiens, une façon de dénoncer les discriminations dont les coptes font l’objet, dans les institutions et le droit, et les attaques qu’ils subissent de la part des islamistes.

Quoi de plus normal que des extrémistes, pour contrecarrer l’impact probable du film de la star populaire, se saisissent de cette occasion pour lui jeter l’anathème et l’exposer au meurtre.

Dans une chaîne de télévision arabe, interrogé sur le téléprédicateur égyptien Amr Khaled, Adel Imam disait à quel point il était exaspéré par tous ces prêcheurs auto-proclamés qui se produisent fréquemment à la télé, et que la prédication devait être uniquement dévolue aux professionnels d’Al-Azhar et au clergé officiel.

Ironie de l’histoire, la propre fille de l’acteur a épousé il y a quatre ans, le fils d’un dirigeant des Frères musulmans, Nabil Meqbel, qui vient justement d’être mis en cause par la justice égyptienne pour avoir accueilli dans sa maison des extrémistes recherchés par la police.

Le mariage aurait pu passer inaperçu s’il ne s’était agi d’une alliance entre la famille d’un dirigeant islamiste et celle de l’anti-islamiste le plus populaire. Car Adel Imam n’en est pas à son premier film de dénonciation de l’islamisme radical. "Le terroriste" et les "Oiseaux des ténèbres" ont été de véritables réquisitoires.

C’est dire que cette union qui a fait couler beaucoup d’encre, est tout simplement contre-nature. Ce qui n’a pas empêché le cheikh Tantaoui, alors recteur d'al-Azhar, de la bénir et de rédiger lui-même l'acte de mariage. De leur côté, les Frères musulmans, qui ont relayé l’information sur leur site, ont tenu à préciser que Mehdi Akef, le chef du mouvement, a également béni l’union.

Se pose alors la question que chacun de nous a en tête : quelle sorte de mariage était-ce ? Est-ce la fille de la star qui s’est soumise aux normes islamiques, ou est-ce plutôt le marié qui s’est plié aux coutumes occidentales ?

Eh bien, dans le cortège nuptial
qui était précédé d'un enfant portant un Coran ouvert, la mariée, en robe blanche décolletée, sans manches, portant collier en or blanc soulignant le cou dégagé, avec voile en tulle noué autour de ses cheveux noirs, était au bras de son mari, lequel était en smoking noir et papillon. Il faut préciser que les mariés s’étaient connus sur les bancs de la prestigieuse université américaine où ils préparaient tous deux un diplôme de gestion. C’est ça l’Egypte, les puritains islamistes fortunés tout comme les enfants de stars tout aussi fortunés devaient fatalement se retrouver dans les mêmes établissements.

Dans la villa somptueuse de Adel Imam, des vedettes de cinéma qui n’ont rien à envier aux stars hollywoodiennes côtoyaient des femmes austères, en manches longues et voile islamique. Parmi les invités, il y avait : les
deux filles de Sadate, l'ex-patron du journal Al Ahram, Hassanein Heykal, un ancien premier ministre du président Moubarak, et le fils de Nasser, celui qui passe pour avoir été le bourreau des Frères Musulmans.

Les esprits naïfs auraient pu conclure que l’occasion était propice à une sorte de fraternisation entre islamistes et libéraux. Il n’en est rien. Tout au plus, cela aurait-il pu rapprocher le pouvoir et les Frères musulmans. Le régime égyptien nous a habitués à l’alternance entre le compromis (et même la compromission) et la répression. Mais en l’occurrence, cela n’a pas été le cas.

Entre Adel Imam, symbole d’une Egypte tolérante, citoyenne, courageuse et toujours à l’avant-garde, et dont on se demande par quel miracle elle continue de résister, et l’autre Egypte, ravagée par la remontée du désert que donne à voir le triomphe du nouvel ordre moral, et dont les Frères musulmans ont été les artisans, l’antagonisme est plus fort que jamais.

Leïla Babès le 02/07/2008

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