Les Indiens Tanoï
Les Indiens
Tanoï
Une fois n’est pas coutume, je vous invite à un
voyage exotique dans la forêt amazonienne, aux confins du Brésil et du Pérou.
La Fondation nationale brésilienne de l'Indien (Funai), vient de en
effet de rendre publiques une série de photos d'une tribu restée totalement
coupée du monde. Le but de cette opération : sensibiliser l'opinion sur
les risques de tout contact extérieur sur la santé et la vie des 68 tribus qui
vivent coupées du monde. Les photos représentent des hommes, le corps entièrement
peint en rouge, en train de tirer des flèches en direction du petit avion de la Funaï qui les survolait.
Saluons au passage l’extraordinaire travail de cette
fondation qui alors qu’elle avait décidé dans les années 1980 de prendre
contact avec certains de ces Indiens isolés, a découvert que la moindre
approche leur était fatale. Non immunisés contre les maladies introduites de
l'extérieur, ces peuples sont rapidement terrassés par tout contact avec les
hommes, même si l'échange n’a duré que quelques minutes.
Dans leur majorité, il s'agit de descendants de
survivants des tribus massacrées par des chercheurs d'or ou des agriculteurs,
et qui ont décidé il y a plusieurs décennies, de s'isoler du reste du monde pour
se préserver.
L’anthropologue que je suis ne résiste pas au désir
de parler de l’intérêt scientifique mais aussi humain de cette découverte sur ce
que les ethnologues ont appelé les peuples primitifs, ou encore sauvages, non
pas au sens ethnocentrique, mais dans le sens noble que leur donne Pierre
Clastres qui connaissait bien ces Indiens.
Ce groupe, composé de 250 âmes, appartiendrait à la
tribu Tanoï ou encore Aruak, mot qui désigne aussi la langue qu’ils pratiquent.
On rencontre aussi les Tanoï dans les grandes et les petites Antilles. Lorsqu’en
1492, Christophe Colomb mit le pied pour la première fois aux Bahamas, c’est
sur les Tanoï qu’il tomba, croyant qu’il débarquait dans les Indes, d’où le mot
« Indiens ». Déjà à cette époque, les maladies comme la rougeole
apportées par les marins européens, décima une bonne partie des 2 millions des Tanoï.
La colonisation et l’esclavage feront le reste.
Les Tanoï vivent de la chasse mais aussi de la
culture de manioc, de la banane et de la pomme de terre. On doit d’ailleurs à
la langue Aruak les mots de patate (batata), mais aussi ananas, papaye, goyave,
manioc, caraïbes, canoë, hamac, iguane, pirogue, tabac et savane,
D’une nature foncièrement pacifique, les Taino
étaient aussi d’habiles artisans qui travaillaient le bois et la pierre, et qui
ont laissé de très belles sculptures. En 1997, l’UNESCO a édité une médaille à
la mémoire du peuple taino, pour s’être distingué dans la défense de la paix et
de la démocratie en Amérique Latine et dans les Caraïbes.
Depuis quelques mois, la fondation Funaï dénonce les
avancées des chercheurs d'or, des planteurs de coca, ainsi que les convoitises des
compagnies minières et d'hydrocarbures qui veulent s’implanter dans la région
pour profiter des richesses du sous-sol amazonien. Quant à la déforestation qui menace également les
tribus amazoniennes, elle a repris de plus belle en 2007, et entre août et
décembre plus de 3200 kilomètres carrés ont été détruits.
Cette chronique s’apparenterait à certains comme un
« sanglot de l’homme blanc », une critique adressée en son temps à
Pierre Clastres, l’homme qui a démontré magistralement, que les Indiens
d’Amérique centrale détenaient la clé qui a échappé à toutes les autres
sociétés humaines : celle qui permet de neutraliser le pouvoir et la
domination.
Voici ce que dit un texte officiel du gouvernement
brésilien : « Nos Indiens
sont des êtres humains comme les autres. Mais la vie sauvage qu’ils mènent dans
les forêts les condamne à la
misère et au malheur. C’est notre devoir que de les aider à s’affranchir de la
servitude. Ils ont le droit de
s’élever à la dignité de citoyens brésiliens, afin de participer pleinement
au développement de la société
nationale et de jouir de ses bienfaits ».
Et voici ce que répond Pierre Clastres, celui qui a
le plus contribué à diffuser la notion d’ethnocide : « la spiritualité de l’ethnocide, c’est
l’éthique de l’humanisme ».
S’il était encore de ce monde, l’anthropologue
français, mort prématurément à l’âge de 43 ans, approuverait sûrement le
travail de la fondation Funaï.
Leïla Babès le 11/06/2008