Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le blog de Leïla Babès
30 mai 2008

Evangélisation

Evangélisation en Algérie :

liberté de conscience et islamisation

 

 

caricature_tiaret

images_bible

images_coran


Ce que révèle l’affaire Habiba Kouider, ce n’est pas seulement l’âpreté du débat qui secoue en ce moment les Algériens sur la liberté de conscience, c’est aussi les sources contradictions sur lesquelles le système politique et juridique repose.

En toile de fond : l’évangélisation, la Constitution, le code pénal, l’islam et le pouvoir. Les faits : le 20 mai dernier, le tribunal correctionnel de Tiaret jugeait Habiba Kouider, 37 ans, éducatrice dans une crèche, convertie au christianisme. Elle comparaissait pour « pratique sans autorisation d’un culte non musulman », considérée comme un délit depuis l'adoption, en février 2006, de la loi qui réglemente « les cultes non musulmans ».

Depuis le début de cette affaire, cette timide et discrète jeune femme a vécu un véritable cauchemar : son arrestation par des gendarmes, au motif qu’elle détenait une Bible, les menaces proférées et les humiliations pendant l’interrogatoire et l’entrevue avec le procureur, le recours aux Eglises protestantes pour trouver un avocat qui accepte de la défendre, les sarcasmes d’un juge qui perd son sang-froid face aux médias, et pour finir un procureur qui requiert trois ans de prison ferme en rappelant que l’islam était religion d’Etat.

Il n’est pas difficile d’imaginer les insultes infamantes et autres formules de stigmatisation que la jeune femme a pu entendre, les mots qu’on réserve généralement aux parias, à ceux qui transgressent le ramadan, ou qui donnent simplement l’impression qu’ils sont de l’autre côté de la barrière qui sépare les fidèles des mécréants. En tous cas, un procès honteux où le juge, chargé d’appliquer la Loi , joue le rôle d’un vulgaire lyncheur. Des pratiques hélas trop courantes, auxquelles nombre de femmes vulnérables sont régulièrement confrontées, face à des magistrats ou des avocats grossiers, dont le langage, au lieu d’être celui de la justice, emprunte abondamment au registre de la rue. 

Habiba Kouider n’est pas la seule à provoquer les foudres de la justice, ou plutôt la chasse aux sorcières qui s’est ouverte depuis quelques mois, surtout dans l’Ouest du pays. Le pasteur américain Hugh Johnson, ancien président de ­l'Église protestante d'Algérie est menacé d’expulsion, et d’autres procès sont prévus dans les semaines à venir. Même les catholiques, dont le moins qu’on puisse en dire est que leur prosélytisme est loin d’égaler celui des protestants, ne sont pas épargnés, et subissent expulsions, rejet de demandes de visas, et même emprisonnement.

Le prétexte, presque toujours le même : pratique en dehors des lieux de culte réservés à cet effet, c’est-à-dire sans autorisation, comme le prétend le ministre algérien des Affaires religieuses, Bouabdallah Ghlamallah.

Quant à la loi adoptée en février 2006, et dont on a dit qu’elle visait à garantir « la tolérance et le respect entre les différentes religions », elle prévoit en fait une peine de 5 ans de prison et une amende de 1 million de dinars (10 000 euros) contre toute personne qui « incite ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion ».

Dans l’affaire de Habiba Kouider comme dans toutes les condamnations qui ressortissent aux conversions, deux observations peuvent être faites.

La condamnation pour pratique d’un culte non musulman sans autorisation ne repose sur aucun texte de loi, conformément au principe de droit selon lequel une peine ne peut être prononcée en l’absence de loi. Ce que la loi de 2006 sanctionne, ce n’est pas le fait de détenir des documents religieux, mais de les distribuer dans l’intention de convertir. C’est d’ailleurs dans ce but, pour neutraliser le prosélytisme évangélique que la loi a été adoptée.

Le problème, et c’est la deuxième observation, est que cette loi  contrevient à la Constitution qui stipule dans son article 35 que « la liberté de conscience et la liberté d’opinion sont inviolables ».

La Constitution étant la source supérieure, cette loi est donc anti-constitutionnelle.

Hélas, ce n’est pas la première fois que la Constitution algérienne est violée. Il suffit de rappeler les atteintes régulières au respect des libertés individuelles et à l’égalité entre les citoyens, et tout particulièrement entre les hommes et les femmes, 2 principes clairement énoncés dans la Constitution , pour s’en convaincre. Il y a longtemps que le fameux code la famille, produit des pressions islamistes, aurait dû être déclaré nul et non avenu. 

Quant à l’argument selon lequel un tel dispositif vise à contrecarrer les menées subversives des évangélistes américains pour préparer une intervention militaire, tous ceux qui connaissent l’Algérie comprendront que la théorie du complot cache la réalité d’un système empêtré dans ses contradictions, et l’offensive des islamistes intérieurs, ceux qui détiennent le pouvoir et les institutions de l’Etat. La guerre menée par le Fis et ses satellites contre le peuple algérien, jusqu’à sa dernière créature qui porte le label d’Al-Qa’ida, ses centaines de milliers de morts, tout ceci n’aura servi à rien face au despote mégalomane d’El-Mouradia qui a décidé d’accueillir au cœur de la cité les loups qui campaient à la périphérie, aidé en cela par les loups à masque d’agneau : les FLnistes islamistes. D’ailleurs, leur chef, l’inénarrable, Abdelaziz Belkhadem, chef du gouvernement, excusez du peu, et dont le masque n’en finit pas de craqueler, a affirmé le 24 mai que la société algérienne a pour Constitution… « le Coran, et qu’elle n’acceptera pas d’en changer. Une façon directe et explicite de dire qu’il est temps d’appliquer intégralement la shari’a. On le voit, le maître à penser du chef de l’exécutif algérien n’est ni l’Emir Abdelkader, ni même le cheikh Abdelhamid Benbadis, mais Hassan Al-Banna, le fondateur des Frères musulmans.

Dieu merci, oserais-je dire, l’Algérie n’est ni l’Arabie saoudite ni l’Iran, ni même l’Egypte où les islamistes ont instauré un Etat dans l’Etat. Personne n’a encore été exécuté ou jeté en prison pour apostasie. Il est même salutaire que les Algériens débattent de la liberté de conscience, un principe de liberté rejeté par l’ensemble des Etats musulmans. Mais il faudra une mobilisation autrement plus importante pour contrecarrer le projet d’islamisation totale qui se love au cœur même du pouvoir et en finir avec le délire mystique qui s’est emparé du sombre et colérique personnage qui préside au destin de la nation.

 

Leïla Babès le 28/05/2008


Revenir à la page d'accueil

 

 

Publicité
Commentaires
A
j'approuve votre analyse de l'affaire de la pauvre habiba et surtout votre conclusion à propos de bouteflika que je n'ose pas appeler president ...surtout si on a l'esprit les dernieres emeutes d'oran ...ainsi que ce qui s'est passe dans le mzab ... il est temps que bouteflika parte car sa malfaisance commence à être un danger mortel pour l'algerie et son avenir immediat...
Le blog de Leïla Babès
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Catégories
Publicité