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Le blog de Leïla Babès
20 février 2008

Voile...

Voile…

 

 

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Le vote de la loi d’interdiction des signes religieux à l’école avait, est-il besoin de le rappeler, suscité un tel tollé dans le monde musulman qu’on en est venu à se demander si  la France , jusque-là épargnée par les critiques pour s’être notamment opposée à la guerre en Irak, n’allait pas rejoindre le camp des puissances impopulaires comme la Grande Bretagne et bien sûr les Etats-Unis d’Amérique.

Le plus surprenant dans cette affaire, étaient les réactions de personnalités connues pour leur appartenance à des milieux soufis comme le cheikh Kaftaru, Grand mufti de Syrie, et guide spirituel de la confrérie des Naqshabandiyya, qui avait déclaré que la loi avait porté atteinte à un fondement important de la religion.

Qu’un haut dignitaire d’un courant spirituel qui a toujours fait prévaloir l’intériorisation de la foi sur l’ostentation du rite, définisse le voile comme un fondement de l’islam –quasiment comme un pilier de la foi ou de la pratique-, est significatif du degré de sacralisation, auquel le voile a été porté, un fait inédit dans toute l’histoire de l’islam.

Mais il faut également rappeler que la loi avait provoqué toutes sortes de réactions négatives en Europe, allant de l’incompréhension ou du scepticisme, à la critique pure et simple du modèle français, jugé trop singulier et trop radical. En France même, la polémique a apporté de l’eau au moulin à des milieux politiques et médiatiques, qui emboîtant le pas à certains courants islamiques, se sont engouffrés dans la disqualification du modèle de laïcité français et l’éloge du système britannique, jugé plus libéral à l’égard des religions.

En vérité, toute cette querelle sur les prétendues atteintes aux libertés religieuses cache mal le clivage entre partisans et opposants à la laïcité. J’avais déjà eu l’occasion dans nombre de mes chroniques précédentes, d’évoquer les dessous politiques et idéologiques qui ont agité et continuent d’agiter les courants engagés dans ces débats.

J’avais pourtant la conviction, pour avoir fait des conférences sur l’islam et la laïcité en Espagne, en Allemagne, en Italie et en Belgique, avant et après le vote de la loi, qu’au-delà des critiques, il y a avait de réelles inquiétudes et des interrogations sur la pertinence des modèles politiques qui au contraire de  la France , n’ont pas adopté une claire séparation entre les religions et l’Etat.

Paradoxalement, c’est dans tous ces pays qui n’ont pas fait de la laïcité une référence systématique dans leur gestion des affaires dites du voile, qu’on trouve parmi les opposants une extrême-droite très organisée, xénophobe, anti-immigrée et a fortiori islamophobe.

Lorsque le mois dernier, Philippe de Villiers, président du Mouvement pour  la France et représentant d’une droite très conservatrice, a appelé à une interdiction du voile islamique dans tous les lieux publics, prenant d’ailleurs mille précautions pour ne pas faire d’amalgames entre islam et islamisme, sa déclaration n’a suscité aucun mouvement d’adhésion.

Au demeurant, c’est ailleurs, dans  la Belgique flamande que Mr de Villiers est allé chercher l’inspiration depuis que pour des raisons de sécurité, dans le cadre d’une enquête sur des réseaux terroristes, il a été interdit aux femmes voilées de dissimuler leur visage dans les lieux publics.

C’est donc surtout de burqa qu’il s’agit, ou encore de niqab, du nom de ce masque fait de trous qui sert à cacher la face, et que portent les femmes afghanes ou celles acquises aux conceptions salafistes. La plupart des débats qui ont eu lieu ces derniers jours ou ces dernières semaines en Grande-Bretagne, aux pays bas, en Belgique, et même en Egypte, ont été déclenchés à propos de la voilette qui masque le visage et qui pose de sérieux problèmes quant à l’identification de la personne.

En Grande-Bretagne, une institutrice auxiliaire a été suspendue par un tribunal de première instance pour avoir refusé de retirer le niqab qui couvre tout son corps, sa figure comme ses mains, dans sa classe. On se demande ce que doivent ressentir les enfants face à une maîtresse d’école sans visage.

De la même manière, après plus de dix ans de discussion, le gouvernement néerlandais a interdit le port de la burqa dans les lieux publics, sous la pression de députés d'extrême droite. L'assassinat, en 2004, du réalisateur Theo Van Gogh par un extrémiste musulman et les menaces dont des hommes et des femmes politiques aux pays bas comme en Belgique, ont fait l’objet, a contribué à renforcer le poids des partis d’extrême-droite.

En Allemagne, une élue verte a reçu des menaces pour avoir critiqué le voile. En Italie c’est une députée du parti de la droite extrême,  la Ligue du Nord, qui a été placée sous protection policière après avoir été traitée d’infidèle, de kâfira, lors d’un débat télévisé, par un imam de Milan, simplement pour avoir dit que le voile n’était pas une prescription coranique.

La démarcation entre la France et le reste de l’Europe est claire quant à la gestion du fait religieux. Par tradition laïque, la France qui est, est-il besoin de le rappeler, le pays qui applique la plus stricte séparation entre les deux sphères, religieuse et politique, et parce qu’elle applique un modèle d’intégration citoyenne qui privilégie la dimension universelle et abstraite de l’individu et non les critères confessionnels ou ethniques, a géré au moindre coût les revendications communautaires ou religieuses, et notamment les affaires dites du voile..Au-delà de toutes les critiques légitimes qui peuvent être formulées sur la politique de tel ou tel gouvernement.

Par ailleurs, sans écarter le danger réel des partis d’extrême-droite qui peuvent encore menacer l’équilibre des pouvoirs, il reste ce fait remarquable : contrairement au reste de l’Europe, c’est au nom des valeurs républicaines que la grande majorité de la classe politique, de gauche comme de droite, dans les gouvernements comme au parlement, gouverne et vote les lois. En témoigne les menaces d’exclusion formulées par les responsables du parti socialiste à l’égard du maire de Montpellier, Georges Frêche, qui a exprimé récemment ses réticences à voir une équipe de France trop… disons, colorée.

Du côté du monde musulman, ce qui vient de se passer en Egypte atteste de l’évolution des esprits sur les questions qui touchent au voile. Là aussi, c’est le port de la burqa (niqab) qui a déclenché la polémique lorsque le président de l'université de Helwan, au sud du Caire, a exclu des monaqqabates (en niqab) de la résidence universitaire, également pour des raisons sécurité, soutenu en cela par le ministre de l'Education supérieure, le ministre des biens religieux, et le cheikh Tantawi.

Bien que la critique ait porté essentiellement sur le niqab, les déclarations de ces hauts dignitaires, religieux comme laïques, mettent l’accent sur le primat de l’intériorité de la foi sur ses manifestations extérieures. En plaçant le débat sur le terrain même de la religion, ces positions de responsables politiques et religieux, dans ce grand pays qu’est l’Egypte, fief des Frères musulmans, quasi-déculturé par les influences salafistes, sont un souffle de bon sens, face à cette croyance déraisonnable qui a fait du voile un fondement de l’islam.

 

Leïla Babès le 22/11/2006


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