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Le blog de Leïla Babès
19 janvier 2008

Des hommes, des vrais ? Voire...

Des hommes, des vrais ? Voire…

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Il y a quelques jours, un chauffeur de taxi tunisois auquel je demandais son avis sur les Algériens, présents en grand nombre en cette période de l’année dans ce pays, me fit part de toute son admiration pour ce peuple fier et brave, si attaché aux bonnes vieilles valeurs familiales. Tenez, l’Algérien est un homme, un vrai, qui connaît le sens du mot honneur, d’ailleurs, la femme n’a qu’à bien se tenir.

Evitant de m’aventurer sur le terrain glissant de la question féminine, je mis la réflexion sur le compte de cette vieille rancœur masculine, caractéristique des nostalgiques du machisme qui n’ont pas digéré les réformes engagées par le défunt Bourguiba en faveur des femmes.

Mais quand le deuxième, puis le troisième chauffeur me fit la même observation, je fus frappée par l’image que les autres Arabes ont des Algériens, fussent-ils leurs voisins immédiats.

Pour autant que le trait soit exagéré, force est de reconnaître qu’il n’en pas moins juste. Mais ce n’est pas tant sur le registre du rapport aux femmes qui n’est qu’un aspect du problème que sur la dimension globale des mœurs que j’aimerais mettre l’accent.

Car tout bien considéré, les lois promulguées en faveur des droits des femmes n’impliquent nullement un changement automatique des comportements masculins, ni même leur acceptation comme le prouvent les réactions de ces chauffeurs tunisois, au demeurant fort sympathiques. Allons plus loin : les lois seules ne sauraient suffire à imposer un réel respect des femmes et de leurs droits si elles ne s’accompagnent pas d’une politique qui allie conjointement éducation citoyenne et engagement de l’autorité de l’Etat.

Le problème prend une tout autre dimension si on l’étend à la question de l’éducation et du civisme, et bien au-delà encore, aux mœurs, au sens où l’entendaient les précurseurs de l’anthropologie culturelle tels Montesquieu, et bien avant lui, notre Ibn Khaldoun local, c’est-à-dire à cet ensemble de conduites en société, de règles de comportements, de manières d’être et de faire, dans toutes les activités de la vie sociale et culturelle.

Et de ce point de vue, nonobstant la question féminine et ses implications législatives, ce qui est perçu comme bravoure et sens de l’honneur n’est que brutalité et grossièreté. Au risque de glisser vers un culturalisme d’autant plus délicat à soutenir que nous parlons là de peuples unis par cette vaste unité culturelle qu’est le Maghreb, les Algériens –et dans une moindre mesure les Tunisiens aussi et à bien des égards-, se distinguent par cette disposition à fleur de peau à s’irriter et à provoquer en même temps. A contrario, il y a, reconnaissons-le, une gentillesse et une douceur dans les manières des Marocains dont les deux autres semblent dépourvus.

Il n’y a dans ce je dis aucune généralisation, mais seulement le souci de dire les choses telles qu’elles sont, c’est-à-dire comme une tendance générale, mais aisément observable.

Des raisons objectives peuvent justifier de tels comportements : les qualités légendaires d’un peuple qui s’est battu courageusement pour sa liberté. Mais il y a l’envers du décor.

Un nationalisme à fleur de peau, d’autant plus problématique qu’il s’est construit d’une part dans la violence, autour d’une guerre totale contre le colonialisme, et d’autre part sur l’idée d’une nation à peine naissante.

A l’inverse de la Tunisie, dont les derniers beys qui avaient su s’intégrer en rompant avec la Sublime Porte, avaient contribué à l’unification, du Maroc, avec son Makhzen séculaire, avec l’Algérie, trop vaste, trop diverse, à peine représentée dans sa partie septentrionale par une poignée de janissaires exogènes, pour ainsi dire sans Etat, tenue en son intérieur par des micro-pouvoirs locaux, et de redoutables tribus, on retrouve le schéma khaldounien, encore pertinent aujourd’hui. A cela il faut ajouter une surpopulation entassée dans la partie habitable du pays, c’est-à-dire au Nord, la crise du logement, le chômage des jeunes, les inégalités, une pratique généralisée du clientélisme, la corruption, une décennie d’insécurité, de violence et de guerre. Mais aussi et surtout un déficit total en matière de politique citoyenne, de civisme et d’éducation familiale.

Les raisons objectives on le voit, sont bien réelles. Elles ne sauraient justifier en tout, la grossièreté des fonctionnaires, l’agressivité des commerçants, les actes de vandalisme sur les biens d’autrui et de l’Etat, la saleté dans les cages d’escalier et sur les trottoirs, les enfants qui passent le plus clair de leur temps dans la rue, et les gens qui hurlent pour un oui ou pour un non.

Ce n’est donc pas un problème particulier de rapport aux femmes, bien que cet aspect en fasse partie, mais une attitude globale. Si en plus, vous êtes une femme, et une femme sans « représentant mâle », alors, vos chances de faire l’objet du défoulement des nerveux en tous genres, sont décuplées.

Et à propos de hurlements, tel chauffeur de taxi, algérien cette fois à qui je demandai les raisons de la bagarre quand je vis un attroupement et entendis des éclats de voix, me répondit, imperturbable et quelque peu étonné par ma question : « mais non, ce ne sont que des amis qui viennent de se croiser ». Imaginons donc ce que cela donne quand c’est une vraie bagarre.

Mais puisque toute cette affaire a commencé avec la question des femmes, il faut bien se garder de toute vision victimaire, car leur responsabilité est grande dans l’éducation. Et de ce point de vue là, force est de constater qu’elles participent grandement à toute cette laideur.

 

Leïla Babès le 16/08/2006

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