Prédicateurs, viol
Prédicateurs : incitation à la haine des femmes et au viol.
Je soulignais alors que le juge lui avait
affirmé que tout ceci ne serait pas arrivé si elle n’avait pas été en compagnie
d’un homme qui lui était interdit par la loi. Traduisons : elle l’a bien
cherché, et tout compte fait, une femme seule ou en situation
« illicite » se met tout naturellement en danger. Autant dire que les
violeurs sont en situation légitime, et après tout, c’est la femme qui les a
provoqués.
Le même problème se pose d’ailleurs avec
le voile, devenu une sorte de ceinture combinaison anti-viol, en somme.
On n’imagine pas à quel point les
discours des leaders islamiques qui fustigent les femmes ne portant pas le
voile, peuvent être dévastateurs. Ils conduisent même parfois à l’élimination
physique pure et simple des jeunes filles incriminées.
Il suffit de se rappeler la tragédie de
Hassi Messaoud, lorsque durant cette nuit de l’horreur du 13 juillet 2001, des
dizaines de femmes avaient été torturées pendant 8 heures consécutives,
violées, enterrées vivantes, immolées, pat un commando de 30 hommes armés
jusqu’aux dents. Leur seul crime : être célibataires et vivres seules,
dans une ville gangrénée par la haine islamiste à l’égard des femmes.
Je citerais cette fois l’histoire
tragique de cette adolescente de 16 ans, morte assassinée il y a quelques
semaines par son propre père pour avoir refusé de porter le voile. Aqsa Parvez
avait eu le malheur de naître dans un milieu traditionnaliste d’origine
pakistanaise, à Mississauga, dans la province canadienne de l’Ontario, polluée
par des idéologies liberticides et misogynes.
Des associations canadiennes dénoncent
régulièrement les prêches virulents que des imams prononcent à ce sujet.
Telle la mosquée de Montréal qui
a récemment publié sur son site un avertissement à l’encontre de ces jeunes
filles, allant jusqu’à dire qu’elles s’exposent au viol et à la procréation d’« enfants
illégitimes ».
Quant au Centre communautaire musulman de
Montréal (CCMM), il a publié sur son site internet cet avertissement, mettant
en garde les femmes non voilées des risques liés à leur condition : viol,
divorce, adultère, enfants illégitimes, effondrement de foi, incitation à
l’indécence, stress, suspicion chez le conjoint et rupture d’harmonie familiale
Les femmes occidentales y sont même
décrites comme des « prostituées non payées ».
Dans mon livre, Le voile démystifié, paru aux éditions Bayard en 2004, je soulignais
notamment à quel point les défenseurs du voile étaient, sur cette question,
d’une sensibilité à fleur de peau, et que le phénomène était devenu plus
important que la foi ou les 5 piliers. Le voile est vu comme un fondement de la
religion et une pratique religieuse au même titre que la prière, si ce n’est
que la prière ne semble pas faire l’objet du même engouement.
Je rappelais aussi que les hommes qui
réagissaient le plus violemment à mes propos ne s’intéressaient qu’à ce que je
disais sur le voile, et rien d’autre, et ils le faisaient en montrant une
réelle souffrance.
Quoiqu’il en soit, les discours de prédicateurs
et des violeurs eux-mêmes, imputant la responsabilité du viol à ces femmes non
voilées, les qualifiant de provocatrices, ne se comptent plus. On cite
notamment le nom libanais Faiz Mohammed en Australie, et celui du mufti Shahid Mehdi en Suède.
Yusaf al-Qardawi lui-même, la star d’Al-Jazeera,
dont l’émission religieuse est suivie par des dizaines millions de spectateurs,
figure emblématique des Frères musulmans, président du haut conseil européen
des fatwas, disait en 2004, que les femmes violées habillées de façon indécente
devaient être punies, ajoutant que « pour
qu’elle soit affranchie de la culpabilité, une femme violée doit avoir montré
la bonne conduite ».
En
tous points, Al-Qardaoui préconise le même traitement que celui réservé par les
autorités saoudiennes aux femmes violées : un autre châtiment, pour être
seule ou mal accompagnée, non voilée, pour être femme sans défense, tout
simplement.
Qu’un
pays comme la France
soit relativement épargné par ce déchaînement de haine à l’égard des femmes,
n’est imputable qu’au fait qu’on soit en présence d’une société civile forte,
et une justice vigilante sur tout ce qui touche à l’intégrité et aux droits des
femmes. Ce n’est pas un hasard si le seul cas que nous pouvons citer de mémoire
soit celui de l’imam de Vénissieux, expulsé depuis en Algérie, pour avoir
prêché le droit des hommes à battre leurs femmes.
N’en
déplaise au célèbre cheikh Al-Qardaoui qui ferait mieux de réserver son verbe
tonitruant à la guidance spirituelle –si tant est qu’il en soit capable et
qu’il sache de quoi il s’agit-, au lieu de ses fatwas intempestives sur la
morale sexuelle, ce ne sont pas ces femmes qui doivent être punies, mais bien
les prédicateurs de son genre.
Pour
incitation à la haine contre les femmes et incitation au viol. Et si les Etats
musulmans ne sont pas disposés à poursuivre ces criminels, les associations de
femmes et les organismes de droits de l’Homme devraient s’en saisir et les
poursuivre devant les tribunaux internationaux.
Leïla Babès le 16/01/2008